Noël Carlier :
Théophile Noël Carlier naquit à Grandglise (Bruyère) le 1er février 1854.
Ses origines sont assez méconnues. On sait seulement que son père et sa mère étaient deux veufs ayant déjà des enfants de leur premier mariage respectif et qu’ils eurent encore ensemble plusieurs enfants. La famille était donc assez nombreuse.
Théophile Carlier épouse à Stambruges Clémentine Delplanque. Celle-ci est originaire du Coron du Bon Dieu, au milieu de l’actuelle rue du Calvaire. Elle est née le 27 octobre 1857 et décédera inopinément à Stambruges le 21 mai 1914.
Le ménage s’installe donc à Stambruges, rue de l’Eglise, dans les locaux du salon de l’Alhambra (qui deviendra plus tard le cinéma Odéon, actuellement détruit pour faire place au complexe sportif).
Clémentine occupera les fonctions de cuisinière pour les différentes sociétés qui tiendront leurs banquets dans la salle. Le couple verra la naissance de six enfants :
- Raymond, qui poursuivra les premières activités de son père. Il épousera Berthe Lolivier et est ainsi l’arrière-grand père de;Madame Francine Moulin, décédée à ce jour, et par qui tout le matériel et les photographies de Noël Carlier nous sont parvenus ;
- Albert, qui partira s’installer à Bruxelles, où il décédera avant la guerre 40 sans laisser de descendance;
- Léa qui épouse Victor Beghin, entrepreneur en peinture originaire de Tournai. Ils s’installent à Leuze;
- Emile, qui poursuivra les activités de son père;
- Fernand, mort en bas âge d’une crise d’appendicite;
- Berthe, épouse de François Moulin.
L’intérêt que doit éveiller Théophile Noël Carlier tient bien davantage dans sa personnalité et ses activités professionnelles que dans sa composition de famille.
Au départ, il occupe les fonctions de représentant en peinture pour une société bruxelloise. Il organise également son propre commerce de peinture en bâtiment. Il se fait connaître dans la région où il circule en charrette à cheval.
Peu à peu il délaisse ses activités de peintre et de représentant de commerce (qui seront reprises par son fils aîné) pour entreprendre une carrière beaucoup plus originale à l’époque : il ouvre un atelier de photographie (1).
Il réalise ses premiers clichés alors qu’il habite toujours à la salle de l’Alhambra. Mais la famille déménage et s’installe une centaine de mètres plus loin, 4 rue du Calvaire, dans une maison louée aux Croisieaux. C’est là que naît leur dernier enfant.
Nous sommes en 1894. L’atelier Th Carlier est né.
Les premiers candidats aux portraits sont installés – lumière oblige – dans une serre à raisin au fond du jardin. Cette situation de fortune sera vite améliorée par la construction, en bordure de route, d’un véritable studio de prise de vue redécouvert par hasard une centaine d’années après son inauguration (2).
On est en droit de se demander comment un peintre en bâtiment parvient à la fin du siècle dernier, à installer un studio de photographie aussi sophistiqué. Cela reste un mystère mais on sait que cet homme avait un esprit vif et curieux de tout, intéressé par les progrès techniques de l’époque. C’est vraisemblablement en autodidacte qu’il a ouvert son studio. Les nombreux livres qu’il a consulté sur le sujet semblent étayer cette thèse.
Noël Carlier (puisque c’est sous ce nom qu’il signera ensuite ses oeuvres) photographie d’abord les gens autour de lui : sa famille, des Stambrugeois, les habitants des villages voisins (le métier de photographe était encore peu répandu à l’époque). Il effectue aussi un travail de reporter en photographiant les événements qui animent sa région : activités de sociétés diverses, travaux d’aménagement des rues de Stambruges, la Grande Guerre, curage du Canal Ath-Blaton. Il est ainsi un formidable témoin de son époque et l’examen de chacun de ses clichés est riche d’enseignement sur la vie de l’époque.
Le travail qu’il a réalisé est d’une qualité indéniable et si l’homme a quelque peu disparu de notre mémoire il avait à l’époque une notoriété certaine. Plusieurs de ses clichés furent exposés à Anvers; il travaillait pour d’autres photographes tant la qualité de ses agrandissements (tirage au charbon) et de sa retouche des portraits était estimée; nombre de personnalités de la noblesse et des arts se firent tirer leur portrait par ses soins.
Qui plus est, cet esprit talentueux s’agrémentait d’un caractère hors pair. Noël Carlier était connu à Stambruges sous le sobriquet de Noé Layette, le boute en train. S’il régnait en maître dans son studio et sa chambre noire, il était aussi le roi de l’amusette et du bon vivre. Contemporain et ami du bourgmestre Antoine Gosselin, il était membre de la société des Francs Lurons pour qui la bonne chaire était un des buts principaux. Pince sans rire et esprit ingénieux on l’a dit, il a effrayé ses voisins en projetant des images de lions sur les murs de son quartier, le Carnaillé . Il était le premier à participer aux festivités locales au cours desquelles il était chargé de tirer les campes, notamment le 11 novembre 1919.
Une vie aussi bien remplie ne l’empêcha pas de vivre vieux. On le retrouva mort dans son lit au matin du 10 février 1931.
Certains clichés sont signés Th et E Carlier, ou encore E Carlier. En effet, l’artiste travailla avec son fils cadet Emile qui reprit à son compte les activités du studio. Mais le fils n’avait pas le génie du père et quelques années avant 1940, il vendit une partie du matériel photographique et ferma définitivement la porte de l’atelier Carlier.
D’après les renseignements récoltés au cours de plusieurs conversations avec Francine Moulin, petite-fille de Noël Carlier et généreuse donatrice (1992)
Bibliographie :
(1) – Steven F. JOSEPH et Tristan SCHWILDEN « La photographie professionnelle au XIXème siècle » – in « Pour une histoire de la photographie en Belgique » ‚ Musée de la Photographie – Charleroi
(1) – « Le Studio » dans la série « Life la photographie », éd Time Life.
(Crédit photo : © Musée Noël Carlier | Bernard Degaute)